Michel Ciment, écrivain
Ronald Blaes étudie à l’Académie Royale des Beaux arts de Bruxelles et expose pour la première fois dans cette ville en 1972 à 18 ans . Quatre ans plus tard, il quitte son pays natal pour s’installer en Ardèche où il vit de longues années avant d’habiter le Périgord. Il lui fallait sans doute reconnaître son attirance pour le sud afin que s’exprime ce qu’il y avait de Nord en lui. Sa peinture en effet, tourmentée, sombre, mélancolique, s’accompagne d’une jubilation pour les couleurs. Sa démarche rejoint celle de tous ces artistes , Van Gogh le premier et à sa suite, Derain, Klee, Matisse, Alechinsky et tant d’autres qui cherchent dans le midi la puissance du rayonnement solaire. Van Gogh écrivait à son frère Théo que « ce qu’il attend du soleil de Provence, de cette lumière que faute de mieux je ne peux appeler que jaune, jaune soufre pâle, citron pâle, c’est de voir mieux le Nord ».
L’art de Blaes transcende la distinction entre figuration et abstraction qui a polarisé les préoccupations de l’art contemporain. Dans sa peinture se conjuguent l’expressionisme et l’abstraction lyrique à condition , en parlant de celle-ci, de rappeler ce que disait Asgern Jorn de Alechinsky « c’est un art abstrait qui ne croit pas à l’abstraction ».
Sa peinture […] tourmentée, sombre, mélancolique, s’accompagne d’une jubilation pour les couleurs.
Michel Ciment, 2019
Ronald Blaes en effet est dans la filiation de ses ainés du mouvement Cobra qui rassemblait des Danois, des Néerlandais et des Belges . Dionysiaque plus qu’apollinienne, sa peinture libérée de toute contrainte de représentation n’en est pas moins peuplée de masques et de visages inquiétants où la fête se mêle au cauchemar comme dans les toiles de son compatriote Ensor. Chez lui la sensation est reine , restituée par l’intensité des couleurs comme ces jaunes et ces verts dont la densité domine ses séries de paysages et de maisons. C’est peut-être le Bernanos de Sous le soleil de Satan qui se rapproche le plus de cet univers pictural mais sans le lyrisme qui l’imprègne.
Ronald Blaes n’a jamais caché sa proximité avec le surréalisme et tout le confirme dans sa personne comme dans son œuvre par l’intransigeance et la radicalité dont il fait preuve, loin des mondanités propres aux carriéristes, et par la liberté, la confiance dans l’improvisation , l’inépuisable invention dont témoigne sa peinture. Sans oublier l’humour parfois noir qui accompagne nombre de ses danses macabres. Chez lui, comme chez les peintres admirés de Breton, la spontanéité et la réflexion se tiennent la main comme le geste et la pensée.
Michel Ciment, écrivain, 2019
Marie-Pierre Perono
Je suis très sensible à ta pâte acharnée, « acharnante », désespérée et rutilante, angoissée et éclairée, cette chair à vif de l’esprit qui se dérange dans la couleur jusqu’au ressassement le plus imparfait et le plus évident aussi…figures imposées par toi, figures imposantes par TROIS, inlassablement par trois… Va savoir… Chœurs de visages à peine nés de leur chaos…cherchant, se cherchant, se perdant, se recherchant à s’y perdre, à s’y retrouver plus perdus encore, dans une accalmie de durée courte, serrée à l’ossature dans l’idée d’un paysage peut être, après, d’une chlorophylle légère mais étrangement flamboyante, qui se calme à peine et semble s’apaiser dans certains gris de Peyne et jaune de Naples…et puis…et puis ces portraits qui s’observent du coin de l’œil, qui flambent les regards dans la lie des étoiles comme en apesanteur et qui retombent vidés de leur substance à jamais éclatée, éclatant désarroi d’un spleen sans terminaison mais germé à tout jamais dans ce qu’il y a à voir de l’essentiel, avoir de la couleur en « triture » pour ne pas se perdre, oui sans doute, il y a urgence, urgence poussé, dépossédé à toutes fins utiles de la fioriture, celle de la comédie humaine sans cesse vécue sans cesse déplacée vers cet autre inaccessible qui n’a de nom que l’épaisseur d’un mystère dont on croit avoir fait le tour… Alors tu peins cette presque danse cette pantomime décharnée et irréelle d’une eau des profondeurs qui s ‘expose enfin… Mais trop de mots, trop de mots… Ta peinture avance en souveraine. Inexorablement. C’est bouleversant.
Marie-Pierre Perono, 2018
Marcol, artiste
Lettre ouverte aux galeristes.
Madame, Monsieur,
Permettez-moi de vous présenter un ami cher, peintre et poète de grand talent. Il ne fait ni dans la demi-mesure ni dans l’embellissement. Il peint parce que ça lui est vital. Parce que c’est une quête, une soif d’absolu ; sans compromission et avec l’exigence de la vérité, celle qui transperce son corps, son cœur et son art.
L’œuvre de Ronald Blaes m’est apparue il y a bientôt vingt ans. Sous le manteau d’un hiver sans neige, tapie dans le repli las d’une bourgade ardéchoise, une haute maison de pierre grise sommeillait. Une porte grinçante, un escalier étroit, une ampoule nue et, soudain, l’univers enivrant d’un peintre tragique.
Dans la grande pièce chaleureuse, baignée de lumière et enveloppée de mille tableaux où l’artiste nous accueilli, je me trouvai apaisé. Les œuvres de Blaes contenaient toutes mes angoisses et m’en libéraient. La force de l’art du peintre révélait à mes yeux la puissance quasi divinatoire d’un artiste profond, pleinement conscient de l’âme humaine.
Parce que c’est une quête, une soif d’absolu ; sans compromission et avec l’exigence de la vérité, celle qui transperce son corps, son cœur et son art.
Marcol, 2014
Depuis, l’art de Blaes m’accompagne et je retrouve régulièrement l’artiste qui habite aujourd’hui le cœur d’une bastide jaune sous le ciel bleu du Périgord noir. Patiemment, il poursuit son art dans la discrétion et l’humilité, loin des mondanités. Mais, vous le savez, un artiste sans fard, ne vit pas que d’amour et d’eau fraiche.
C’est pourquoi je vous invite à découvrir sans attendre les quelques reproductions contenues [sur ce site]. En vous imprégnant de cet extrait de l’art de Ronald Blaes vous pourrez imaginer la fabuleuse aventure picturale qu’il suggère.
N’hésitez pas à me contacter ou à contacter directement l’artiste pour voir ensemble comment faire connaître et reconnaître les œuvres de Blaes à vos clients et amis.
En vous remerciant de votre attention, je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, mes respectueuses salutations.
Marcol, artiste, 2014
Maurice Boulle, historien
Ronald Blaes à Lavilledieu
Il y a plus de vingt ans que Ronald Blaes, ayant quitté l’école des Beaux-Arts de Bruxelles, peint. Refusant le passeport d’une figuration qui rassure – qui nous rassure – lorsque nous consentons à nous écarter de notre monde familier, il jette sur des toiles dont le format ne cesse de croître les tempêtes de son affectivité.
« Chacun sa vie, chacun son ordre », lit-on sur les murs de son atelier vaste comme une écurie d’auberge, où naissent, dans une quasi-pénombre, des œuvres qui, livrées à la lumière, projetteront leurs rutilances.
« Chacun son ordre… » Dans l’ordre qui fait allégeance au motif, la ligne, la teinte, la nuance président à l’élaboration du tableau pour y inscrire des éléments identifiables.
Synthèse de nos élans, de nos incertitudes, de nos angoisses et qui nous serait rendue à travers la sensibilité d’un peintre.
Maurice Boulle, 27 avril 1992
Rien de cela ici. Les courbes qui emmêlent leurs écheveaux, les diagonales qui se heurtent, se repoussent, s’appellent, chassent le motif, imposent des plaques et des trainées de couleur pure, véhémente, excessives ; des giclures impulsives, pressées de fixer la sensation dans ce qu’elle a de fugitif.
En 1991, le peintre avait lancé à l’assaut des murs aristocratiques de château de Voguë, une tribu de portraits expressionnistes, de torses déformés. En 1992, dans l’ancien couvent des Bénédictines de Lavilledieu ces éléments figuratifs, où nous pourrions reposer nos interrogations, sont rares.
Et pourtant…
Ces grandes toiles ne seraient-elles pas à l’image du grand remuement contemporain, des secousses telluriques et politiques d’un monde douloureusement en gésine ? Une sorte de synthèse de nos élans, de nos incertitudes, de nos angoisses et qui nous serait rendue à travers la sensibilité d’un peintre ? Les artistes n’ont-ils pas été ceux qui aident à mieux voir le monde ? Notre monde ?
Maurice Boulle, historien, après une visite à l’atelier de Ronald Blaes, 27 avril 1992
Bernadette Menu, égyptologue
Comme on porte l’essentiel en sa prose avertie devant l’inéluctable tourment tout acte créateur est forcément subversif. Transgression et révolte. Élan, dépassement ou éclatement par la magie du verbe ou du trait, l’alchimie des couleurs, la transformation de la matière brute en œuvre d’esprit ou de la matière inerte en œuvre brutale. Si chacun porte en soi l’étincelle divine et cherche au fond de l’abime le livre de l’enchantement des flots, de la terre et des cieux que la Connaissance peu à peu lui dévoile, il appartient à l’artiste de dire avec violence, de taire avec effroi ou de faire des merveilles.
La plus vieille civilisation de la Sagesse avait bien compris que créer c’est faire nommer, voir, déclencher l’existence ou la vie, repousser le néant par tous les moyens.
L’univers de Blaes se situe à la fois en-deçà et au-delà du point créatif, moment décisif et privilégié où l’expression s’affirme au cœur de la bataille, où les forces contradictoires s’affrontent pour produire une nouvelle appréhension de l’être en un renouveau pictural sans cesse en mouvement.
On en sort abasourdi mais fortifié, émerveillé.
Bernadette Menu, égyptologue, 1991
Bernard Dandois, historien
La peinture informelle rejoint les formes prévues dans ses yeux qui bousculent le monde disloqué.
Avec des airs de tristesse, de mélancolie, le peintre Ronald Blaes – que dans son pays d’adoption on appelle presque Ronald Blaise – rit aux éclats, montre ses dents comme le fou de Privas qui n’a plus de dent mais parle avec ses dents, raconte avec autant de plaisir des histoires imaginaires ou vraies, entourloupe qui veut bien se laisser embobiner, écrit à un président de la République ou à la direction régionale de la SNCF, des odyssées qui paraissent extraordinaires à l’homme du commun, ne supporte pas la mort et tente de l’exorciser par des cris horribles que poussent ses pinceaux.
Dehors, loin de son pays d’adoption, James Ensor le taquine en sourdine et ricane.
À peindre, il éprouve cette joie solitaire qui provoque des bousculades. Se moque-t-il des critiques ? Non, il les choisit, élague et refuse sans discussion tous les importuns : ceux surtout qui n’acceptent pas qu’il peigne pour les WC de ses amis.
« Loin de toutes les évidences tracées par tant d’habitudes vieilles, issues elles-mêmes d’inévitables manières nées des fatales circonstances, il musarde serein, soufflant les bougies molles en triant le cresson alénois et s’abandonne enfin aux verbes essentiels que les balourds disent » : Ronald Blaes parle.
Survivre est le seul réel tourment de l’artiste
Bernard Dandois, 1991
Il parle, écrit, peint : comme au tiercé, parfois dans le désordre ; jamais les genres ne se confondent. Le peintre en tout cas, écrit Jean Paulhan qui s’y connaît en peinture, s’exprime par lignes, contours, nuances, plans et autres signes apparents.
Couleurs, formes, lignes, visages, traits, contrastes, courbes, points noirs ou blancs, rouges fugaces ou appuyés, maisons détruites et reconstruites, toits envolés et déposés sur la toile, pinceaux traducteurs d’une amitié jamais démentie, toiles ou bois qui supportent toutes ses humeurs, cadres refusés ou imposés par les convenances inacceptées, cocktails d’inauguration inavouables : tous les chemins de la peinture se recoupent comme le lierre du Jardin.
Ronald Blaes a, pour le regard extérieur à l’artiste, des origines ailleurs que dans son pays natal. Sans doute Egon Schiele, Georges Rouault, Chaïm Soutine. Ils ne sont certes pas seuls à partager ses tourments autour des lignes rouges ou blanches. Le monde qu’il se crée est plus important que celui des apparences : la bataille est permanente pour donner raison au premier, le seul qui survit.
Survivre est le seul réel tourment de l’artiste : sortir de sa tête quelques-uns des points qui le pourchassent et se transforment en lignes et couleurs ; être sûr que ces points-là méritent un combat ne permet pas toujours de vivre dans la quiétude et la sérénité. Vivre et survivre s’entrecoupent au quotidien. Ronald Blaes sacrifie volontiers l’amitié du vivre au quotidien à l’indicible importance du survivre.
En Ardèche ou à Bruxelles, cette amitié est sans bornes : la nuit efface le jour, le vin estompe les embruns des vins précédents, les bières mousseuses et fraîches en remplacent d’autres, les ripailles accompagnent les longues palabres à répétition qui s’accumulent sans ligne directrice. L’amitié toujours revient, le temps la fait vivre et revivre, la peinture la consolide : Blaes toujours présent, à jamais.
Bernard Dandois, historien, 1991